La villa cachée au milieu du jardin sur le domaine de Belle-Isle.le jardin historique du château Laurens est une ode à la déambulation et à la contemplation. Reliés par un discret ruisseau, deux plans d’eau dessinent des allées serpentines et ouvrent autant de perspectives sur le monument que sur le fleuve Hérault et sa petite cascade. 1895. Emmanuel Laurens étudie la médecine à Montpellier. Il a 23 ans. Originaire d'Agde, sérieux sans être remarquable, il aime la littérature, l'art, la fête. Une vie banale, en somme, que rien ne paraît devoir faire dévier de la trajectoire d'ascension sociale prudente que connaît sa famille depuis le début du siècle. Un beau jour, le jeune homme rencontre un lointain cousin maternel, le baron de Fontenay. Le baron de Fontenay est un vieillard excentrique, riche à millions et affreusement pingre, qui se prend d'affection pour le jeune Emmanuel. Quelques mois plus tard seulement, le baron décède, laissant derrière lui une fortune considérable et une demi-douzaine de testaments contradictoires.
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Le château Laurens
Aux termes d'une bataille judiciaire homérique qui se poursuit jusqu'en 1897, c'est bien Emmanuel Laurens qui hérite, et pas qu'un peu : des terres, des entreprises, des rentes, un quai au port de Marseille, des magasins en Afrique et à Ceylan, pour un total de 20 millions de francs-or. Le jeune carabin se jette alors à corps perdu dans une série de voyages initiatiques qui le conduisent d’Égypte à Madagascar, du Maghreb au Yémen… Romantique, poète, curieux de tout, il vibre comme Pierre Loti aux griseries de l’exotisme. La mort de son père le rappelle sur le domaine familial, le domaine de Belle-Isle, niché au cœur d’une île entre le fleuve Hérault et le canal du midi. Sa fortune toujours en poche, il décide d’agrandir la maison de famille en une incroyable architecture éclectique, savante association de maisons mauresques aux toits-terrasses et d’un hôtel particulier du XIXe siècle.
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Les iris.
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La façade de la Villa Laurens, savant mélange de néo-classicisme et d’Art nouveau, symbolise toute la démarche de son propriétaire, soucieux de s’amuser des styles et de vivre avec son temps. Le château a été conçu à partir de 1898 pour Emmanuel Laurens
par l’architecte montpelliérain Jacques Février.
À la façon de l’Antiquité classique, la façade principale est marquée par un perron monumental donnant accès à un grand portique à colonnes et pilastre. L’ensemble
se détache sur un mur à décor de papyrus et de grandes de fleurs de lotus égyptiennes. Cette composition antiquisante est accentuée par le jeu de toits-terrasses, par la polychromie des façades et par le pavement en mosaïque de la galerie à colonnes.
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Le château Laurens
Le mur est décoré de papyrus et de grandes
fleurs de lotus égyptiennes. Le champ laissé entre la porte principale et les
portes-fenêtres symétriques ménage un large panneau décoratif qui permet de figurer
trois fleurs ; les deux espaces suivants entre les portes-fenêtres, plus étroits, ne laissent
place qu’à une fleur à longue tige, toutes égyptisantes.
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Le château Laurens
En haut du mur de la façade court une frise, dont les métopes sont ornées d’un
insecte rappelant les mouches stylisées du collier de la reine Ahhotep. Pourtant, certains
détails morphologiques, comme la forme des ailes et de l’abdomen, révèlent plutôt la eprésentation d’une cigale. La couleur verte évoque l’insecte homoptère juste après sa
mue. Le triglyphe de la frise ressemble à un groupe de trois colonnes papyriformes, le signe hiéroglyphique M 125. Parée de marbre noir, la porte principale se présente à l’égyptienne ou presque. Une lourde corniche moulurée supporte les dormants de la porte, traitée pour rendre l’aspect d’une « corniche à gorge ».
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La galerie à colonnes en marbre noir de Laurens.
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La galerie à colonnes. Appelé « château Laurens », selon la tradition locale et sur un ensemble de documents photographiques, cette « folie » est aussi parfois nommée « villa Laurens », « château de Belle-Isle » ou encore
« domaine de Belle-Isle ». La dénomination actuelle adoptée est villa Laurens.
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La colonne d'angle est rectangulaire.
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Le pavement en mosaïque de la galerie à colonnes.
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Les chapiteaux.
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Ancienne demeure de la famille avec l'immense magnolia centenaire. La demeure éblouissante d’Emmanuel Laurens est un exemple remarquable de l’architecture éclectique de la fin du 19e siècle, à la fois château des temps modernes et villa antiquisante. Contrairement à de nombreux monuments, le château n’a subi aucune transformation significative : il a conservé ses dispositions d’origine, ainsi que sa parure décorative, qui constitue l’intérêt majeur de l’édifice. Celle-ci présente deux registres décoratifs distincts celui du château proprement dit et celui de l’appartement privé d’Emmanuel Laurens.
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Le petit vestibule. Pour ce qui est de la décoration, Emmanuel Laurens fait appel à des artistes marqués par le courant Art Nouveau : le peintre Eugène Dufour qui réalisa les peintures du grand salon, le décorateur et ébéniste Léon Cauvy qui réalisa la plupart des meubles en bois qui sont toutes des pièces uniques spécialement créées sur commande pour la demeure, en collabration avec Paul Arnavielhe, menuisier-ensemblier montpelliérain, ou encore l’architecte d’intérieur Eugène Simas à qui nous devons la salle de bain et sa baignoire-piscine décorée de faïences des ateliers Sarreguemines ainsi que les vitraux des appartements du château.
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Le petit vestibule. À mi-chemin entre romantisme fin de siècle et modernisme triomphant, cette villa de près de 1 400
mètres carrés présente un cadre de vie inspiré
par les voyages en Orient de son propriétaire et son goût pour l’Art nouveau flamboyant. Au premier regard, rien d’égyptien ici, puisque le fond rouge n’est employé en Égypte, ni pour le décor des temples, ni celui des tombes, ni même dans les habitations.
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Le petit vestibule. En ce qui concerne la bâtisse, Emanuel Lauresn dessine lui-même les plans du château, sans architecte, ce qui rend la demeure unique de part sa composition et la répartition des pièces. Ses inspirations en matière de décoration proviennent de ses nombreux voyages et de son goût prononcé pour l’Art nouveau qui s’inspire de la femme, de la nature, ainsi que de l’utilisation des courbes. Un courant artistique très à l’avant-garde pour la région. En plus de ce courant artistique, la demeure est un véritable assemblage hétéroclite d’inspirations : orientalisme, égyptomanie et mobilier contemporain réalisé sur mesure pour la demeure.
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Le petit vestibule. Le registre supérieur offre une frise de bucranes alternant avec un motif végétal. La tête du bovidé stylisée est de couleur verte et jaune, soulignée d’un contour rouge, des yeux rouges, tandis que la rosette placée entre les cornes est verte avec des détails rouges. Le bucrane entre les cornes duquel se trouve la rosette, – parfois assimilée à un disque solaire –, évoque la déesse Hathor, et revêt une signification apotropaïque.
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Le plafond du petit vestibule.
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La porte entre le petit et le grand vestibules. En ce qui concerne les matériaux utilisés, là aussi Emmanuel Laurens a su faire preuve de modernité en utilisant du béton armé, un matériau très peu connu à cette époque-là. Le château fut également, une des premières demeures à être équipée du chauffage central et de l’électricité. Cette porte, influencée par celle de la chemiserie Niguet de Paul Hankar, révèle de manière inédite d’une part, l’importance du rôle des revues parisiennes dans la diffusion en province de nouvelles formes décoratives et d’autre part l’engagement des territoires dans ce renouveau des arts décoratifs sur l’exemple accompli de l’École de Nancy. Dans le Midi de la France, il s’exprime par l’ouverture de départements de décoration moderne (mobilier, tissu, objet d’art) au sein des magasins d’ameublement traditionnel comme Paul Arnavielhe, futur Président de la chambre de commerce de l’Hérault, le fit à Montpellier en s’entourant de « collaborateurs artistes ».
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Porte du grand vestibule.
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Le grand vestibule. La distribution reprend le principe antique de l’axe central, un grand
vestibule desservant un atrium, vaste espace marqué de quatre colonnes. Vestibule et atrium ouvrent ensuite sur les espaces
de réception, la salle à manger, le salon mauresque, le salon de compagnie et le salon
de musique. Le décor du grand vestibule est rythmé par quatre portes égyptisantes
à battants doubles. Les parois sont ornées de trois registres de frises végétales aux
influences égyptienne et orientale. Sur les murs rouges pompéiens se détachent de grandes fleurs portées par de longues tiges végétales.
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Le grand vestibule. Le monument reflète un style éclectique, avec un mélange de styles Art Nouveau et néo-grec, ainsi que des décors majestueux inspirés de l’égyptomanie et de l’orientalisme. Son architecture crée une véritable symbiose entre les différents arts et styles de ses décorations.
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Le grand vestibule est rythmé par quatre portes égyptisantes à battants doubles. Les murs ornés de motifs végétaux entrelacés sont typiquement Art nouveau.
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Le sol du grand vestibule.
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Le grand vestibule. Les peintures du plafond sont encadrées par des caissons en bois, imitation de poutres. Ce plafond de bois est parsemé de petites lampes de verre couleur
absinthe évoquant un ciel étoilé.
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Le plafond du grand vestibule.
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Porte de la chambre de la soeur d'Emmanuel, Marguerite Laurens.
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Corniche de la porte de la chambre de sa soeur, Marguerite Laurens.
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La chambre de sa soeur, Marguerite Laurens. L'ensemble de meubles est composé d'une paire de lits simples en pendant, un chevet, une grande armoire avec miroir, un miroir indépendant, une banquette et deux chaises (recouvertes d'un velours vert), datés de 1898 et signés des deux noms de Léon Cauvy (1874-1933), artiste peintre, et de Paul Arnavielhe (1865-1931), menuisier-ensemblier montpelliérain. La commune d'Agde a acquis cet ensemble lors d'une vente publique auprès de la maison Ader le 03/12/2012 (Drouot, Paris vendeur anonyme), suite à préemption de l'Etat et avec l'aide de la DRAC Languedoc-Roussillon. Bien qu'il ne soit pas documenté, ni par des archives, ni par des photographies anciennes, une provenance d'Agde est certaine et induit probablement une appartenance à la villa Laurens. Après son acquisition par la commune, l'ensemble a été présenté au Musée Agathois puis installé en décembre 2022 dans la chambre anciennement occupée par Marguerite Laurens, en adéquation avec les motifs féminins.
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La chambre de sa soeur, Marguerite Laurens. Les lits sont en noyer sculpté de motifs végétaux caractéristiques de l'Art Nouveau. Les chevets sont également agrémentés de pièces de cuir pyrogravé. Commande passée à Léon Cauvy, ainsi qu'une paire de tables de nuit en noyer sculpté de motifs végétaux, à un vantail agrémenté de cuir pyrogravé et à un tiroir.
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La chambre de sa soeur, Marguerite Laurens. La duchesse brisée et la grande armoire avec miroir sur une des portes, et une jeune fille cueillant des fleurs sur l'autre, sont signées Cauvy Léon (peintre) et Arnavielhe Paul (menuisier). Entre Art nouveau et goût oriental, ce mobilier en bois, en métal martelé et en parchemins japonisants, révélait le prestige du lieu.
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La chambre de sa soeur, Marguerite Laurens. Les éléments sont en noyer sculpté de motifs floraux (de type nelumbos ou fleurs de lotus en boutons), complétés par des panneaux en cuir peint et doré figurant des jeunes filles cueillant des fleurs, ainsi que des parties en cuivre découpées et posées en applique au chevet des lits.
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La chambre de sa soeur, Marguerite Laurens. Frise avec des coquelicots aux tiges sinueuses et des papillons lumineux.
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À l’angle des murs séparant le vestibule de l’atrium et de part et d’autre de la porte de la salle à manger se trouvent de faux pilastres d’angle peints, délimitant les deux espaces. La colonne peinte est composite, surmontée d’un chapiteau papyriforme avec un motif de lotus doré en son centre, semblables aux modèles égyptiens. Son fût fasciculé est égyptisant, tandis que sa base campaniforme
s’apparente aux colonnes achéménides de Persépolis.
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L’atrium aux colonnes en onyx rose d'Algérie et le rouge pompéien des murs offrent une vision de “villa antique”. C’est là que se retrouvaient les nombreux convives au centre de la demeure dans cette ambiance polychrome où les fleurs aux longues tiges envoûtaient le regard. Les colonnes encadrent un bassin d’albâtre.
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L’atrium. Sur les murs, différentes compositions florales évoquent les bouquets montés égyptiens.
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L’atrium. La quasi absence de cette demeure remarquable et de ses occupants dans les chroniques locales ou nationales – Laurens y vit avec sa mère et sa sœur puis à partir de 1920 avec son épouse, ancien personnage public – intrigue fortement comme s’ils vivaient à l’écart de l’agitation tapageuse du monde. La figure de l’esthète/collectionneur d’art que l’on s’est plu à calquer sur le commanditaire est aussi à nuancer car il n’appartient pas à la sphère artistique de son temps, qu’elle soit nationale ou locale, contrairement à un Gustave Fayet (1865-1925) à l’abbaye de Fontfroide (Aude) ou d’un Maurice Fabre (1861-1939) à Béziers, mécènes de Gauguin, Redon, et tous deux amis accomplis des arts.
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L'atrium. A gauche, le salon mauresque, à droite la salle à manger, et, au fond, une galerie qui rejoint le salon de musique
excentré.
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L'atrium. Les pièces d’apparats évoquent
une villa antique « théâtralisée »
traitée en polychromie :
sur les murs rouges pompéiens
se détachent des grandes fleurs
de lotus portées par de longues
tiges végétales. Des grands
bouquets montés et des colonnes
lotiformes, des divinités égyptiennes
stylisées et la figure de Cléopâtre
en déesse Isis complètent
ce répertoire ornemental illustrant
le rêve d’un Orient antique.
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L'atrium.
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L'atrium est éclairé par une lumière zénithale diffusée par une grande verrière de style égyptisant. Cette dernière éclaire également
le second niveau d’étage auquel on accède par le grand escalier d’apparat.
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L'atrium.
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L'atrium.
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Le salon mauresque où l’on pouvait s’étendre « à la turque » pour fumer.
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Le salon mauresque.
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Le salon mauresque.
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Le salon mauresque.
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Le salon mauresque. Un tabouret néo
syrien.
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La salle à manger. Le répertoire ornemental des pièces d’apparat a été mis en place selon des techniques des artistes décorateurs de l’Art nouveau : le poncif ou le pochoir.
Le décor mural, posé en aplat, sans modelé ni perspective, est réalisé en 1901 par le peintre
décorateur marseillais Eugène Dufour, ami d’enfance d’Emmanuel Laurens. Pour mettre en œuvre ces peintures, Dufour s’inspire des
nombreux recueils ornementaux du 19e siècle, ceux d’Owen Jones par exemple, créant un univers floral, à mi-chemin entre l’Art nouveau
et l’Orient antique fantasmé.
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Dans la salle à manger d’apparat, Eugène Dufour, peintre marseillais, a créé sur les murs une décoration végétale stylisée mettant en scène des citrons, des abeilles… dans une dominante de vert prairie. Les boiseries ornementales affirment le style Art nouveau de la pièce. La bibliothèque en noyer teinté acajou foncé, est composée d'une partie centrale, à corniche, ouvrant à deux vantaux vitrés et de deux parties latérales ouvrant chacune à un vantail également vitré. L'ensemble est décoré de garnitures de laiton. Signée Cauvy Léon .
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La salle à manger. Les placards d‘angle, revêtus à l‘origine des mêmes cuirs
gravés que les autres meubles, inclinent à penser que le duo montpelliérain, Cauvy et d‘Arnaveilh, est à l‘orgine de ce décor.
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La salle à manger.
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La salle à manger.
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La salle à manger.
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La salle à manger. Radiateur avec chauffe-plat incorporé.
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La salle à manger. Le chauffe-plat.
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La salle à manger. Le chauffe-plat.
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La salle à manger. Charnière de la baie vitrée.
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L’accès aux espaces privés d’Emmanuel Laurens se fait par un passage aménagé
sous le grand escalier.
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Àu décor architectural répondait un mobilier
oriental, souvenir des voyages
d’Emmanuel Laurens. Dans une
scénographie complexe, porcelaines japonaises, brûle-parfum chinois, amphores arabo-andalouses, tabourets néo-syriens, tapis
persans, textiles d’Ouzbékistan,
tentures ottomanes et céramiques
indochinoises composaient un décor fastueux. Ces objets et ce mobilier résonnaient
avec les spectaculaires créations de l’artiste ébéniste italien Carlo BugattI.
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Céramique indochinoise.
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Céramique indochinoise.
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Céramique indochinoise.
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Céramiques indochinoises de l'escalier d'apparat.
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La montée de l’escalier se caractérise par un décor historié, en rupture avec les
frises répétitives qui se succèdent depuis l’entrée pour former le point d’orgue de la
décoration égyptienne de la Villa.
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La bas de l'escalier.
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Le bas de l'escalier.
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Dans l’angle du palier, une fleur de papyrus évoque les éventails employés en Égypte et une longue tige de roseau surmontée de sa fleur paniculée, le chasse-mouches en plume d’autruche. Une des longues tiges de papyrus
se termine par une fleur qui n’est autre que la trompe de la voûte en plâtre qui possède
la même forme que les fleurs-éventails : un jeu subtil entre décor peint et éléments
structurels.
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Escalier principal du château Laurens s. Une femme est assise sur un siège, bras levés et tenant un bouquet de fleurs de lotus en boutons. Différents critères iconographiques font d’elle une représentation de Cléopâtre sous les traits d’Isis, déesse mythique et mère des religions antique. Partiellement dissimulée par ses bras, sa tête arbore une coiffe royale neret. Cléopâtre est fréquemment figurée avec cette coiffe, qui associe celle qui la porte à Nekhbet et Mout, déesses-vautours guerrières, protectrices et maternelles, qui préservent la reine en étendant leurs ailes. Elle est parée d’un large collier ousekh doré. À demi nue, sa tenue n’est qu’un simple pagne, une sorte de ceinture, rehaussée d’une boucle carrée, est placée sous les seins, elle possède aussi des
périscelides. Ces derniers ornements sont plus le fruit de l’imagination de l’artiste, souhaitant retranscrire un orient fantasmé, qu’une référence fidèle au costume égyptien.
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Cléopâtre est assise sur un fauteuil longiligne dont le dossier se termine par une
fleur de papyrus. La posture de Cléopâtre, assise sur un siège, bras levés et tenant un bouquet de lotus, s’inspire à la fois des représentations de tombes (geste d’offrandes) et procède aussi de la mythologie moderne du personnage, qui se révèle particulièrement riche en cette fin de XIX e siècle. lle se tient devant une grande fleur de lotus ouverte, tournée vers elle ; une seconde fleur, plus petite, se trouve au niveau de ses pieds dans la même direction. Suivent, en montant l’escalier, trois autres fleurs s’ouvrant vers le soleil.
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La position de Cléopâtre à la villa Laurens paraît calquée sur la posture choisie par F. Rops pour la Grande Lyre, un frontispice destiné aux Poésies de Mallarmé. Suivent, en montant l’escalier, trois autres fleurs s’ouvrant vers le soleil. Devant le soleil, se dresse un cobra lové sur sa queue enroulée dans la forme habituelle de l’uræus, il guette, peut-être signera-t-il la mort de Cléopâtre ?
Les fleurs de papyrus sont survolées par des oiseaux qui se dirigent en direction de
Cléopâtre, évocation d’une scène classique naturaliste que l’on trouve fréquemment dans
les tombes égyptiennes : la représentation d’un marécage, d’où s’échappent les oiseaux aquatiques, des oies le plus souvent, au moment de la chasse ou de la pêche. Au-dessus, une grande frise florale se déploie.
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Dans la cage d’escalier, juste en contre-haut de la scène historiée avec Cléopâtre, se déroule une frise florale surmontée dans la partie correspondant au premier étage d’une fresque, d’inspiration japonisante, mettant en scène une grue et un dragon dans un paysage luxuriant et baigné de soleil.
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Une frise d’inspiration égyptienne se déroule jusqu’au plafond du premier étage, au-dessus de la fresque d’inspiration japonisante. En guise de triglyphes, deux colonnes lotiformes se terminant par un chapiteau de fleur de lotus à bouton fermé encadrent un pilier orné de nervures végétales et un signe ânkh. Les « métopes » égyptisantes sont agrémentées d’une suite de compositions florales et surmontées d’une frise d’étoiles, allusion à la voûte céleste. Elles se répètent de part et d’autre d’une figure centrale ressemblant à un masque. En partant de la droite, la
première métope figure un arum encadré d’un cartouche et de deux hippocampes
symétriquement opposés, représentés comme le sont les uræi, dressés lovés sur leur
queue, prêts à attaquer. La deuxième figure est un lis encadré dans un cartouche. La
troisième montre à nouveau les hippocampes et un arum, tandis que la quatrième présente un bouquet d’arums, à l’image du signe hiéroglyphique M 15, le fourré de papyrus. La figure centrale de cette frise évoque la Gorgone, par son masque, le Gorgonéion.
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Le haut de l'escalier.
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Baie vitrée de l'escalier.
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Le château Laurens
Le plafond de la cage d’escalier de la villa présente un décor égyptisant avec un
enchevêtrement de quatre oiseaux. Cette composition fait référence aux décors de
plafonds des temples funéraires ou des tombes de l’Égypte antique, qui figurent la déesse vautour Nekhbet enserrant un signe chenou. es artistes de la villa Laurens ont entrelacé les corps des animaux et les cartouches, tout en fluidité, en adoptant une forme symétrique et en ménageant un cartouche vide au centre du motif. L’oiseau n’est manifestement pas un vautour comme leur modèle égyptien, mais un flamant rose, avec son bec crochu, un très long cou et des pattes palmées. Le bestiaire Art nouveau les a régulièrement et fréquemment utilisés, l’Égypte ancienne très peu.
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L’oiseau n’est manifestement pas un vautour comme leur modèle égyptien, mais un flamant rose, avec son bec crochu, un très long cou et des pattes palmées. Le bestiaire Art nouveau les a régulièrement et fréquemment utilisés , l’Égypte ancienne très peu.
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Au premier étage, juste au-dessus de l’atrium, se trouve un hall avec, au centre, une
balustrade permettant d’avoir une vue sur le bassin et l’espace du rez-de-chaussée,
éclairé de manière zénithale par la verrière. Le garde-corps est orné de balustres en forme
de colonnes lotiformes avec chapiteau en forme de boutons de lotus fermés d’inspiration
égyptienne.
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Le château Laurens
Les balustres d’angle plus massifs dérivent du motif de l’acanthe corinthienne, selon le goût de l’Art nouveau.
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La verrière.
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Le décor mural du premier étage est constitué de panneaux décoratifs floraux, à la manière
d’un bouquet monté égyptien, vu précédemment, délimités par des piliers hathoriques de style égyptisant qui s’inspirent des modèles de l’album de Prisse d’Avennes. Ils possèdent un fût massif et un chapiteau
revêtant la forme de la tête de la déesse Hathor. Le fût de la colonne est un jeu graphique au moyen d’éléments végétaux (feuilles de papyrus) remplacé par un grand arum et ses feuilles, typiquement Art nouveau. Une frise de fleurs de lotus, sur fond bleu, court sur la partie basse des murs, se trouve également au rez-de-chaussée, sur fond doré, dans le vestibule et l’atrium.
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Le chapiteau revêtant la forme de la tête de la déesse Hathor, sous les traits d’une femme aux oreilles de vache, représentée frontalement, et dont la tête est coiffée d’un sistre. Dans la villa
Laurens, les artistes ont réinterprété le motif, abandonnant les oreilles de vache, et parant
la déesse de boucles d’oreilles en forme d’œil oudjat. Ce détail renvoie à l’intérêt de
Laurens pour la Rose-Croix (Sâr Peladan) et l’occultisme. En haut du panneau décoratif, de part et d’autre de la grande fleur de papyrus, est peint un motif en forme de volute avec une rosette centrale qui joue le rôle d’écoinçon.
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Le décor mural du premier étage est constitué de panneaux décoratifs floraux, à la manière
d’un bouquet monté égyptien, vu précédemment, délimités par des piliers hathoriques de style égyptisant qui s’inspirent des modèles de l’album de Prisse d’Avennes.
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Un des lampadaires.
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Au fond du couloir, le boudoir. Les portes des chambres de l’étage conservent la thématique égyptienne de la porte surmontée de la corniche à gorge.
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Le laboratoire d’Emmanuel Laurens, passionné par l’électricité, est aussi très intéressant. Son plan de travail ressemble à une cheminée et évoque l’architecture de Gaudi à Barcelone. Parfois ce goût oriental fusionne avec le modernisme catalan, comme dans deux pièces d’exception, le salon de musique et ici le laboratoire.
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Le laboratoire. Durant ses études de médecine, Laurens a suivi les cours du neurologue, Joseph
Grasset (1849-1918), féru d’occultisme et de paranormal. Passionné par les aspects
pseudo-scientifiques en vogue à cette époque, il s’intéresse également à la Rose-Croix
et à l’alchimie et fait agrémenter son laboratoire, destiné à l’expérimentation, d’un décor égyptisant fantaisiste, mêlé à des influences du modernisme catalan. Une grande
paillasse spectaculaire orne la pièce à l’image des cheminées « égyptiennes » proposées
par Piranèse dans son recueil de cheminées antiques. À partir du haut du manteau de la
paillasse, une frise d’oves et de dards, caractéristique de l’architecture ionique, se
poursuit au plafond.
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La large corniche d’oves à l’antique.
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Dans le laboratoire, la référence à ’architecture Art nouveau de la Catalogne s’exprime également dans le plafond et le monumental plan de travail, traités en surprenantes
écailles en stuc couleur ocre.
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Le laboratoire d’Emmanuel Laurens est doté de deux grandes baies ornées de vitraux et de deux portes-fenêtres en forme d'arc parabolique ouvrant sur la terrasse. Les vitraux possèdent un caractère égyptien avec la présence d'un disque solaire rouge rayonnant, sorte de réminiscence des scènes “antoniennes”, et évoquant le signe Hiéroglyphique N 27. Des motifs de lierre grimpant, que l'art nouveau affectionnait particulièrement, se trouvent dans la partie basse du vitrail. Ces fenêtres et portes-fenêtres font écho à celle du modernisme catalan d’A. Gaudi, comme les portes et fenêtres du palais Güel, à Barcelone.
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Une des deux portes-fenêtres en forme d'arc parabolique, la ferronnerie dessinant un papillon.
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Le plafond du laboratoire.
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Une frise égyptisante, restituée à la restauration, très dégradée à l’origine, court en
haut des murs (fig. 4). Elle montre une succession de divinités anthropomorphes à tête de canidés58 , de couleur verte, dans une posture appelée henou, posture de jubilation qui appartient à un cérémonial dansé, où le
personnage se tient un genou à terre, le poing levé, tandis que son autre bras se frappe la
poitrine pour émettre un cri. Le geste a été réinterprété par le décorateur de la villa
Laurens, en lui faisant tenir un vase et en omettant de dessiner la jambe repliée qui n’est pas à terre. Elle représente l'un des Baou de Nekhen, sa pose agenouillée, ainsi que la position de ces bras, fait partie d'une performance rituelle de jubilation, danse qui accompagnait le culte pour l'apparition de divinités égyptiennes où le jubilé du roi. Ici, le motif incorpore des éléments de l'inscription antique dans l'image, comme le vase placé dans les bras de la divinité et l‘échassier à long bec, qui serait un ibis, juste derrière la divinité, faisant référence au mot baou.
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Le château Laurens
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Le couloir et la porte ovale du laboratoire.
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Les pièces de l’appartement. Buffet en peroba rouge à cinq vantaux : un central, vitré, encadré par deux petits vantaux agrémentés de cuir repoussé, eux-mêmes flanqués chacun d'un vantail en bois. Ces deux portes entièrement en bois sont surmontées d'un tiroir chacune. Le plateau est en marbre, les poignées en bronze.
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Bouquets de plumes de paon.
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Une réduction de La Nuit, bronze d’art, aux superbes ciselures et patine brune, exécuté d’après un modèle de Michel-Ange par la maison Barbedienne dans le dernier tiers du XIXe siècle.
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Le soir tombé, la lumière électrique se diffuse
à partir de petits lustres floraux en cuivre martelé Arts and Crafts dessinés par William Arthur Benson, donnant à ces espaces privés toute sa poésie nocturne.
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Le soir tombé, la lumière électrique se diffuse
à partir de petits lustres floraux en cuivre martelé Arts and Crafts dessinés par William Arthur Benson, donnant à ces espaces privés toute sa poésie nocturne.
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Porte donnant sur une pièce.
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Porte donnant sur le jardin.
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La salon-cabinet de travail. Ensemble de quatre chaises à dossier droit et ajouré dont les motifs en cuir repoussé évoquent, pour chaque chaise, l'une des quatre saisons.
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L'automne.
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La salon-cabinet de travail. Chaise en bois sculpté, à dossier ajouré. L'assise et une partie du dossier sont argrémentés de cuir repoussé. Ornementation dans le style Art Nouveau. L'hiver.
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Le printemps.
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La salon-cabinet de travail. La banquette d'angle en cuir, à dossier sculpté et ajouré, ornements dans le style Art Nouveau de Léon Cauvy.
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Armoire asymétrique, signée Cauvy, c'est-à-dire à un grand vantail à gauche et, à droite, une partie à hauteur d'appui, fermant à deux vantaux, surmontée par quatre étagères ; à gauche, un tabouret à deux pieds appuyé contre la partie à grand vantail. Les portes sont agrémentées de cuir repoussé à motifs végétaux, dans le style Art Nouveau. A droite, devant cette armoire, un fauteuil en bois sculpté, à dossier ajouré. L'assise et une partie du dossier sont argrémentés de cuir repoussé. Ornementation dans le style Art Nouveau.
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Armoire asymétrique, avec un grand vantail à gauche et, à droite, une partie à hauteur d'appui, fermant à deux vantaux, surmontée par quatre étagères.
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Le grand vantail et les étagères.
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Non signée, la statue en marbre blanc figure un personnage féminin debout et entièrement voilé, croisant ses mains sur sa poitrine, et s'inspirant fortement de la sculpture médiévale allemande dite "belle madone de Nuremberg" dont plusieurs copies ou modèles ont été diffusés au 19e siècle (en particulier un buste aujourd'hui conservé au Louvre). Documentée par une photographie ancienne en noir et blanc, la sculpture a probablement été commandée par Emmanuel Laurens pour orner son bureau en complément des autres meubles, et avait été remisée depuis plusieurs décennies dans une caisse en bois, avant d'être réinstallée en 2022 avec son piédestal d'origine en pierre. A droite, le tabouret à deux pieds appuyé contre la partie à grand vantail de l'armoire..
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Bureau en bois sculpté et ajouré, à plateau garni de cuir, orné de roseaux.
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Au centre du plafond du cabinet de travail, une exceptionnelle composition représente
Apollon sur son char, œuvre de 1898 de Louis Anquetin. C'est un dessin au fusain, marouflé sur toile (H. 2,40 m ; L. 3,10 m). Ce décor plafonnant acheté par Emmanuel Laurens est
l’esquisse préparatoire pour le rideau de scène du Théâtre Antoine à Paris, exposé au Salon
de la Société nationale des Beaux-Arts en 1898.
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Les pièces de l’appartement, plus intimes, sont éclairées par une lumière naturelle filtrée par
de grandes baies ornées des vitraux
multicolores commandés au décorateur parisien Eugène Martial Simas. Auteur de décors pour les brasseries à la mode
comme La Cigale à Nantes ou la brasserie Mollard à Paris, Simas fait réaliser les grands vitraux de l’appartement par son ami,
le maître verrier Théophile Laumonnerie.
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Pour l’appartement de Laurens, Simas dessine les cartons des cinq grandes verrières mises en œuvre par son ami le maître- verrier Théophile Laumonnerie (1863-1924). La plus importante, La Mer (H. 3,50 m ; L. 5,50 m), datée de 1896, est antérieure d’une année à l’aménagement de l’appartement. Située dans le salon-bureau, elle représente un grand paysage marin, bordé à droite par des falaises ; au centre de la composition émerge une sirène qu’implore une jeune femme accompagnée d’un enfant ; l’ensemble se détache d’une série d’arcatures qui rappelle l’architecture médiévale anglo-saxonne. Le traitement des ondes marines n’est pas sans rappeler le « japonisme » fin-de-siècle véhiculé en Europe par l’estampe et, dans le cas présent, par la célèbre « Vague » d’Hokusai (1760-1849). Au premier plan, le bureau en bois sculpté et ajouré.
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Partie gauche, la mer.
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Partie centrale. Le vitrail est orné d’un poème de E. Le Mouël 1859-1934) dans sa partie basse, sur le thème de la Mer et de ses tentations : "Sirènes de la mer au sourire d’écume, aux yeux verts, aux cheveux que dorent les couchants, votre charme est mortel ! Pour vos palais de brume vous tentez d’arracher les hommes à leurs champs et vous perdez les fils des femmes par
vos chants. Sirènes de la mer au sourire
d’écume !". Au centre de la composition émerge une sirène qu’implore une jeune femme
accompagnée d’un enfant ; l’ensemble se détache d’une série hitecture médiévale anglo-saxonne. Le traitement des ondes marines n’est pas sans rappeler le « japonisme » fin de siècle véhiculé en Europe par l’estampe et, dans le cas présent, par la célèbre « Vague » d’Hokusai (1760-
1849)
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Partie droite avec les falaises et un paysan au champs.
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La salon-cabinet de travail. Vitrail Les Cyprès, d'E. M. Simas et T. Laumonnerie, vraisemblablement postérieur de deux années environ à la grande verrière, soit 1898-1899, date de l’aménagement de l’appartement.
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Le sol du salon-cabinet de travail.
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Au nord, à l’extérieur, un large escalier, bordé d’un muret décoratif, permet au visiteur d’accéder au salon par une porte étroite aménagée dans la baie axiale.
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A l’occasion de l’un de ses voyages, Emmanuel Laurens rencontre la jeune cantatrice Louise Blot qu’il épouse en 1921, l’année où il se décide à passer son doctorat en médecine. Il mène ainsi pendant trois décennies une existence fastueuse, mettant sa fortune au service d’une vie de
dilettante dans un cadre raffiné et théâtral. La villa devient un lieu de rencontres et de fêtes somptueuses au cours desquelles se retrouvent artistes, peintres, écrivains et musiciens. Au fil des années, de nombreuses dépenses engagées dans des projets hasardeux ont fragilisé sa situation financière et la grave crise économique des années 1930 le contraint à vendre son domaine en viager en 1938.
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En 1942, avec son épouse et sa sœur, il n’occupe
plus que quelques pièces, « les petits appartements », le château étant réquisitionné par les troupes allemandes. Ruiné et affaibli, c’est
à Belle-Isle qu’il s’éteint, en 1959, à l’âge de 86 ans, quelques années après la disparition de sa femme. Après plus de trente ans pendant
lesquels l’ensemble de Belle-Isle est livré à lui-même, la Ville d’Agde rachète en 1994 le domaine et le château. À partir de 2001, un vaste programme de restauration de l’édifice
et de ses décors est lancé.
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Le salon de musique est la pièce maîtresse du château. Mélomane, Emmanuel Laurens l’a voulue monumentale, semblable à une chapelle où les vitraux illumineraient tout le jour la maison. Les fresques des murs n’ayant pu être restituées, deux artistes, Ida Tursic et Wilfried Mille, sont intervenus dans le cadre de la commande publique.
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L’une des pièces les plus marquantes est l’auditorium (ou salon de musique), surmonté d’un dôme elliptique de 20 mètres de haut. Le plafond doré est orné de motifs d’ocelles de plumes de paons, alternant avec de larges fleurs de lotus roses et blanches. Le motif du plumage de paon était apprécié par les artistes de l’Art nouveau. En revanche, la combinaison des motifs de l’ocelle de plume de paon et de la fleur de lotus rappelle le décor du palais Chandra Mahal, à Jaipur, probablement visité par Laurens.
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Au dessus, de grandes toiles (H. 5,20 ; L. 3,50), couronnées par une frise murale à motifs de cobras, alternent avec les vitraux des baies qui évoquent des plumes de pans multicolores. Cette frise comprend une frise de triangles jaunes ; au-dessus, sont peints des groupes de trois cobras lovés sur leur queue, deux de profil et un de face ; des disques solaires sont disposés derrière eux. Il s’agit d’une évocation très libre du motif égyptien de l’uræus, dans la mesure où le disque solaire n’est jamais figuré si petit, ni placé derrière le plastron du cobra, en Égypte, et jamais leurs gueules ne convergent les unes vers les autres, lorsqu’ils sont représentés en dyades, triades ou frises. Le motif central, inclus dans un médaillon, paraît une réminiscence du pilier djed.
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Au sommet de chaque vitrail, est figurée une femme « chauve-souris », aux ailes déployées, semblant protéger le luminaire qui était attaché à une défense d’éléphant, en gardienne du salon de musique. Au-dessus, deux effigies féminines sibyllines, entre lesquelles une même scène se répète : des femmes dans un camaïeu de bleu, dont l’une tient une lyre orangée, semblent fuir. La thématique de la femme chauve-souris mystérieuse et sulfureuse est abordée dans la
peinture du XIX e siècle par le courant symboliste.
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Dans le registre le plus haut, de grandes draperies feintes rampent sur les parois murales d’où s’échappent des figures féminines : les unes sont dans l’axe des baies, et évoquent des sentinelles figées au visage masqué ; les autres (des muses ?) s’agitent au son d’une lyre stylisée, semblant figurer une folle danse.
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L’ornementation se poursuit dans le décor peint du plafond, composé de grands médaillons et de fleurs de lotus qui se détachaient à l’origine sur un ciel d’or.
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Les parties basses sont ornées de hauts lambris, rehaussés de larges découpes de bois décoratives et percés au sommet d’une ouverture recevant un simple verre peint.
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Frises égyptiennes à motifs de cobras ou d’Anubis et vitraux à disques solaires
se marient avec de grandes baies
en arc parabolique dérivées
de l’architecture Art nouveau
de la Catalogne, comme dans le
laboratoire du premier étage. L'ancien décor évoquait un cérémonial de danse et de musique, sorte d’initiation magique où l’art, exprimant des rêveries symbolistes inspirées de Jan Toorop (1858-1928) et de Maurice Denis (1870-1963), est appelé à transformer la vie. On attribue ce décor, ou du moins les peintures murales, probablement à Eugène Dufour qui exécuta celles des salles de réception. En témoignent les techniques utilisées, le poncif notamment, le style quelque peu composite et le traitement des figures et des motifs résolument tournés vers un orient de fantaisie, en accord avec le décor général de la villa. Si l’on peut le situer dans les avant-gardes picturales de la fin du XIXe siècle, l’absence de documentation sur le programme iconographique et l’état critique de onservation du cycle des onze toiles composant l’essentiel du décor mural (disparition à plus de 80% de la couche picturale) ont rendu impossible sa
restitution, ne serait-ce que sur le papier.
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Dans le cadre de la restauration du salon de musique, dont les toiles murales n'ont pu être reposées, l’État a passé commande en 2015 à Wilfried Mille et Ida Tursic d'un décor monumental pérenne (Blow-Up), qui a su s’intégrer aux dispositifs architectoniques et ornementaux contraignants..
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Le projet pour le salon de musique d' Ida Tursic & Wilfried Mille est constitué de onze panneaux de bois peints et sérigraphiés, sur lesquels, en filigrane, motifs floraux, motifs picturaux révéleront ou cacheront des images du xxe siècle passé. Le lieu avec ses caractéristiques particulières (très chargé, très coloré, assez peu lumineux) les a poussés à rechercher une solution qui permettrait de l’éclaircir avec des compositions chargées en blanc et une palette colorée réduite à l’usage quasi exclusif de noir et blanc, de créer une passerelle entre les éléments végétaux d’origine, les motifs géométriques de
vitraux et leur approche contemporaine de la peinture.
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Façade latérale. En haut, les baies du laboratoire.
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Vias
Au voisinage de Vias, le volcan de Roque-Haute était en activité, il y a 640 000 ans. Le sol est donc de nature volcanique, en particulier basaltique. Vias a pour origine une ancienne villa gallo-romaine issue de la colonisation romaine du terroir. Au XIIème siècle apparaît le village fortifié, le castrum, les remparts construits en pierre volcanique, détruits après la seconde guerre mondiale, ont donné au village sa forme circulaire.L’agglomération s’est développée autour de la tour appartenant à la famille de Vias, premiers seigneurs connus.